S'il n'y avait pas les excuses d'un maintien à assurer, d'une pelouse dure et bosselée, ou d'un vent capricieux, le jugement de la prestation nantaise, essentiellement en première période, serait sans appel : de mémoire de supporter, on a rarement vu une équipe nantaise jouer aussi mal et « contre nature ». Cela veut notamment dire que même avec Marcos ou Amisse à la baguette, Nantes se souciait davantage du jeu et ne se paraît pas d'un bleu de travail digne d'une Division d'Honneur espérant un exploit en forme de nul. Seulement les excuses précitées sont de taille et apparemment insurmontables. On hésite donc entre l'envie de crier « Nantes ça n'est pas ça » et de constater que le point pris hier est une bonne opération. Qu'importe la manière donc car on a assez dit qu'assurer le maintien était la priorité des priorités pour trop faire la fine bouche. Même si on ne voudrait pas être trop dupe du catastrophisme ambiant qui cache avant tout un manque d'idées ou de savoir faire, à opposer à un manque de talents.

Tous ces si qui ne sont pas là.

Où est la filiation de Suaudeau, lequel rappelait au Point : « Si on s'appuie sur une certaine idée du jeu et qu'on ne s'en éloigne pas, si tous les joueurs s'appuient sur les mêmes références, si on a le désir d'être imaginatif et de surprendre, alors on retrouvera un jeu spectaculaire et efficace. » ? Il y a manifestement trop de « si » dans la partition de Suaudeau. Trop pour la direction du club, trop pour Serge Le Dizet, trop pour ses joueurs.

Football fiction

Alors la fiction nous fait imaginer une discussion entre Serge Le Dizet et Coco Suaudeau. Connaître les arguments de l'un ou de l'autre pour tenter de comprendre ce qui a bien pu se passer, ce qui fait que ça n'est plus possible ou que l'actuel entraîneur du FC Nantes s'y prend éventuellement si mal. On doute que Serge Le Dizet puisse faire passer Suaudeau pour un papy hors course… On aimerait comprendre par exemple pourquoi les rares joueurs dépositaires du jeu, l'un encore trop vert, l'autre invité à partir en Suisse, les deux pris dans une concurrence mal gérée, ont été sacrifiés sur l'autel d'une efficacité en forme d'abandon du jeu.

Cette saison est ratée et ce match ne nous aura pas donné de signes d'espoir pour la suivante, pas plus que le discours présidentiel de la semaine passée. Il reste 7 rencontres de championnat. Il reste la coupe de France. Mais il reste aussi tant d'incertitudes sur l'avenir de l'effectif. La période est davantage propice aux doutes, aux ambitions ou peurs individuelles. Bref à l'éclatement. En ce sens, Rudi Roussillon, président en pointillé, avait certainement eu raison de monter au créneau la semaine dernière, dans ce contexte de fin de saison, pour inciter tout son monde à tirer dans le même sens.

Si on joue avec Oliech comme avec Bagayoko, on n'ira pas bien loin.

Sur le terrain, tirer dans le même sens c'est bien aussi. Mais c'est mieux quand ça participe avec précision à la construction d'une attaque placée ou d'un contre rondement mené, plutôt que de balancer à l'emporte pièce. Ce qui avait plutôt bien fonctionné face à Lille n'a pas été renouvelé au Mans. Il y avait déjà un changement sans doute pas anodin. Dennis Oliech était titulaire pour la première fois. C'est Emerce Faé qui en fit les frais, tandis que Frédéric Da Rocha retrouvait le couloir droit. Or Da Rocha fut particulièrement important en première mi-temps, dans l'axe un cran au-dessous de Diallo, face aux jeunes joueurs de Claude Puel. Pourquoi avoir voulu changer cela ? Pourquoi revenir à un système sensiblement similaire à ce qui ne fonctionna pas à Saint-Etienne ?

Oliech et Diallo cherchant trop souvent de concert la profondeur, Toulalan, Bocundji Ca, et la défense ont du balancer de longs ballons devant, à l'emporte pièce, sur un terrain dont les rebonds ne favorisaient pas la précision. Comme si la vitesse de course du Kenyan suffisait à rattraper ce manque de rigueur dans la passe. On se crut alors revenir une saison en arrière quand les Nantais cherchaient systématiquement Bagayoko devant, au grand dam du milieu de terrain. Si la venue d'Oliech doit servir encore ce genre de travers, on se dirige à coup sûr vers une nouvelle erreur de casting.

Une première période indigne de la L1.

Dans ces conditions, les motifs de satisfaction ont été bien rares samedi. Les Nantais ont effectué un bon pressing, ils ont été solidaires et plutôt convaincants défensivement. Ils ont aussi fait quelques enchaînements salutaires en seconde période et se sont alors procurés deux ou trois occasions. Voilà c'est à peu près tout. Au niveau du jeu, coté nantais, on passera donc sous silence cette première période. En face ce ne fut guère mieux et ça ne justifiait pas un classement flatteur. Seuls quelques éclairs de Matsui, coté gauche, et quelques erreurs d'un Bocundji Ca bien fébrile, ont provoqué des demi occasions mal négociées à l'arrivée par le Brésilien Grafite (27' et 28'). On notera tout juste une réaction nantaise de fin de mi-temps, avec Signorino qui dévisse une reprise du droit (37') et Toulalan qui perturbe à gauche l'arrière garde mancelle (39'). Rideau et prix citron.

Un peu plus de rythme et un peu moins de déchet.

Le repos fut heureusement bénéfique aux deux formations. On atteignit jamais des sommets, notamment au plan technique, mais il y eut davantage de rythme de part et d'autre. C'est d'abord Hautcoeur qui frappe à coté, puis Oliech qui donne à Nantes sa première occasion de but, après s'être imposé physiquement pour s'ouvrir le chemin du but. Malheureusement sa frappe ne trouve pas le cadre de Pelé (47'). Landreau effectue ensuite une claquette salutaire sur un centre-tir de Fanchione (53'), puis Oliech, bien lancé par Toulalan, déboule coté droit avant de servir parfaitement Rossi en retrait. L'Argentin écrase malheureusement sa frappe (55'). Les Nantais ont enfin de la consistance dans le jeu et l'entrée d'Emerse Faé accentue encore cette impression. Ils n'effectuent malheureusement pas les bons choix, à l'image d'Oliech qui préfère frapper de loin alors que Rossi offrait, à gauche, une solution plus judicieuse. Le Kenyan s'illustrera encore par une reprise de la tête à coté avant d'être remplacé à l'heure de jeu par Bamogo.

Dès lors ce sont les Manceaux qui se procureront les meilleures occasions et Mickaël Landreau s'illustrera à plusieurs reprises. Notamment après une grossière erreur de Rossi qui s'amuse à dribbler dans sa propre surface. On n'était pas loin, une fois encore de la grossière erreur qui coûte des points. Le gardien international s'imposera encore magistralement sur un coup franc de Fauré (86'), lequel avait déjà frappé de peu au-dessus quelques minutes plus tôt.

Nantes n'a toujours pas gagné. Ne pas perdre avant de rencontrer Dijon en Coupe est sans doute intéressant. Mais sans un minimum de fond de jeu, Nantes ne vaut pas le haut du classement de Ligue 2. De là à dire qu'il sera en danger demain…

F.P. le 20 mars 2006.