Le but du soulagement
Il reste une vingtaine de secondes à jouer et Ajaccio tient toujours le nul 1-1. Nantes va perdre deux points, il a dominé la seconde période, il a égalisé, mais il va probablement laisser des plumes face à des Ajacciens accrocheurs et qui, non contents d'avoir marqué un joli but, ont aussi expédié deux fois le ballon sur la barre. On doit se frotter les mains du côté du Havre...

Il reste moins de vingt secondes à jouer et Maréval, de la gauche, renverse le jeu vers Da Rocha, au delà du deuxième poteau. Frédéric contrôle et il ajuste un centre millimétré pour la tête de Nicolas Goussé. Il reste une quinzaine de secondes à jouer, Goussé a sauté, repris du crâne, la ballon a ricoché sur le montant gauche de la cage de Debès et il est entré dans les filets. Nantes mène 2-1, le gardien ajaccien reste assis sur la pelouse, incrédule, hébété. Sa désolation contraste cruellement avec la joie des Nantais qui se sont tous précipités vers Goussé. Ils le félicitent, l'embrassent, fous de bonheur, ivres de soulagement.

But d'Ajaccio refusé, ouf !
Il y a plus de quatre minutes que les arrêts de jeu sont entamés. L'arbitre avait indiqué « trois », il a fait signe qu'il rallongerait un peu plus, on a pensé à une demi-minute supplémentaire, c'eut été normal, mais il reste désespérément muet et la crainte grandit. Son chrono semble s'être arrêté, les secondes s'étirent à n'en plus finir, Heurtebis a déjà connu des sueurs froides en relâchant un ballon sur coup franc et Ajaccio attaque encore. Il attend quoi Stéphane Djouzi ? Que les Corses égalisent ?

Il y a quatre minutes et plus de quinze secondes que le temps réglementaire est terminé. Une minute et plus de quinze secondes que l'arbitre aurait dû siffler la fin. Et le ballon est encore en jeu, juste devant la cage de Heurtebis. Et, et... Et Dié a marqué ! 2-2 ! La glace après la chaleur, la stupeur après le bonheur. Mais, ouf, trois fois, dix fois ouf, l'arbitre assistant avait levé son drapeau. Hors jeu. Il a d'ailleurs raison. Stéphane Djouzi refuse le point, dans le ciel de la Beaujoire, une clameur monte, aussi vibrante que si Nantes avait marqué un nouveau but. 2-1, cette fois c'est bien fini, l'arbitre distribue un dernier carton jaune, pour la route, à Dié qui a protesté et il siffle pour la dernière fois, libérant les vannes de l'allégresse nantaise. Dans les travées, on parle de la réussite du champion, du coup de pouce que le destin accorde, paraît-il, volontiers aux premiers, aux plus forts, aux meilleurs.

La chance est toujours là
Ce n'est pas le premier match au final ébouriffant que Nantes gagne cette saison. Rappelez-vous notamment Libourne où déjà nous avions pensé que Michel Derzakarian et ses joueurs entretiennent quelques lointaines et inattendues accointances avec Alfred Hitchcock. Davantage d'ailleurs qu'avec José Arribas.

Mais on ne leur en voudra surtout pas de jouer ainsi avec les cœurs fragiles puisqu'au bout du compte le dénouement reste délicieux. La chance est toujours là et l'intensité du suspense permet d'oublier, ou du moins d 'atténuer, les imperfections dans le montage du film et la construction du jeu. D'ailleurs il ne faudrait tout de même pas se vouloir trop intransigeant et avouons que les sifflets qui ont ponctué la fin de la première période nous ont paru un brin exagérés.

Même si, à cet instant, Nantes était mené 1-0. Et si la situation aurait pu être pire. Après une entame prometteuse, avec notamment une reprise de Dossevi au-dessus du cadre sur un centre de Thomas, les Canaris avaient perdu le contrôle des opérations. Leur 4-4-2 fonctionnait mal, essentiellement peut-être parce que Marek Heiz ne parvenait pas à se situer. Il avait débuté en fanfare, régalant la galerie de petits bijoux techniques mais il était retombé ensuite dans ses travers : trop de dilettantisme et une obstination étrange à vouloir transformer les coups de pied arrêtés en autant de cadeaux pour l'adversaire. De plus, il se recentrait trop souvent et comme Olivier Thomas n'est, malgré sa bonne volonté, ni un dévoreur d'espaces, ni un monstre de technique, le jeu nantais manquait d'air. Dossevi et Goussé occupaient les avant postes, alors que Da Rocha évoluait sur le flanc gauche et Heinz sur la droite (enfin, en principe). Shereni et De Freitas se chargeaient de la récupération.

Les dégâts auraient pu être plus importants
Les Corses parvinrent à conduire les Nantais où ils voulaient, dans un rythme monocorde qui leur convenait très bien. Le comble est que ce sont eux qui placèrent quelques accélérations dont l'une s'avéra gagnante. Encore que Darbion eut à peine besoin de se hâter lorsque Dié lui transmit le ballon à la 23è minute. Personne ne l'attaqua. Ni Jean-Jacques Pierre ni surtout Olivier Thomas qui le regarda faire. L'Ajaccien n'en demandait pas tant : il profita de cette apathie pour placer, de 20 mètres, un bolide que Tony Heurtebis ne put que voir passer.

Ajaccio menait 1-0. Il eut pu doubler la mise 14 minutes plus tard lorsque Mandrichi, profitant de la vitesse de tortue de Poulard, décocha un obus qui alla percuter l'arête de la transversale de la cage nantaise. Si on ajoute d'abord un raté du même Mandrichi sur un centre de Collin (27è) qui avait « proprement » enrhumé Thomas, ensuite une tête, sur corner, de Marcos qui frôla l'objectif, on admettra sans peine que les dégâts auraient pu être plus importants. Nantes, pour dire vrai, ne parvenait pas à s'organiser, Shereni cherchait ses marques et son rayonnement du début de saison, Poulard et Thomas collectionnaient leurs erreurs de relance habituelles, Maréval essayait beaucoup mais réussissait peu.

Réaménagement tactique
Les Canaris eurent donc droit aux sifflets en regagnant leur vestiaire. A l'intérieur, Der Zakarian les gratifia en prime d'un « savon », le mot fut ensuite employé par Thomas Dossevi. Le coach nantais modifia aussi sensiblement ses batteries, adoptant un milieu en losange qui le conduisit à placer Heinz là où il souhaitait visiblement aller : derrière les deux attaquants. De Freitas se décala sur la gauche, tout en étant invité à participer davantage au jeu et Da Rocha hérita du même rôle côté droit, lequel lui convient évidemment mieux. Le plan s'avéra judicieux : De Freitas a été l'homme du match, c'est lui qui a signé l'égalisation et Da Rocha est monté nettement en régime au cours du second acte. Nantes a mieux construit, mieux pesé sur le jeu.

De Freitas marque encore
On atteignait la 58è minute lorsque l'ex-Amiénois ramena les deux équipes sur la même ligne. Il avait frappé du pied droit quatre jours plus tôt à Niort, c'est du gauche que cette fois il fit mouche. Remarquablement servi par Heinz, il décocha de la gauche un tir croisé qui eut raison de Debès.

Cette égalisation était méritée car depuis la pause Nantes accentuait sa pression. Le gardien corse passait d'ailleurs de sales moments : il avait dû intervenir sur une tête de Goussé (46è) puis il avait été touché par Dossevi (49è), l'arbitre ayant curieusement laissé se poursuivre l'action (shoot de l'ancien Valenciennois à côté) avant de revenir à la faute en voyant que Debes restait sur le gazon. Le goal corse renvoya encore une tête arrière de Heinz (61è) et il aurait dû avoir l'occasion de montrer son habileté face à un tireur de penalty si Stéphane Djouzi n'avait pas fermé les yeux sur une main de Collin qui repoussa en sautant un ballon aérien (71è). La faute était évidente, l'arbitre n'intervint pas. Ou plutôt si : il siffla un coup franc contre Da Rocha qui avait bondi en même temps que Collin. Voulut-il sanctionner une éventuelle poussée du Nantais ? En tout cas, sa décision parut pour le moins fantaisiste et elle contribua à faire monter la température d'une rencontre qui devenait de plus en plus enfiévrée et que les Corses s'appliquaient à maintenir sous tension en commettant de nombreuses fautes.

Deuxième barre ajaccienne
Ils n'avaient pas abdiqué pour autant et à six minutes de la fin ce fut au tour de Heurtebis de trembler. Sur un corner, il n'avait pas pu contrôler un ballon qui fila dans les pieds de Dié, lequel le remit dans le paquet. En l'occurrence sur Fournier dont la reprise de la tête fut renvoyée par la barre.

Nantes avait alors, bon gré mal gré, ralenti l'allure, Keserü avait remplacé Dossevi (76è) et Diop avait effectué son apparition aux dépens de Heinz (82è), mais la solution miracle ne venait toujours pas et Thomas éprouvait des difficultés croissantes sur son côté. Il céda sa place, sous les sifflets, à Moullec. On en était à la 89è minute et le souffle des désillusions refroidissait chaque seconde un peu plus les ardeurs nantaises. La fin du temps additionnel était proche. Il restait une vingtaine de secondes, lorsque Maréval centra de la gauche vers Da Rocha. Vous connaissez la suite.

B.V., le 3 novembre 2007.