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Desailly : « J'ai pris des pilules à Marseille »

Chronique, le 25 janvier 2006

Desailly Capitaine, on a lu...
 

Jean-Jacques Eydelie s'apprête à sortir un livre où il raconte l'histoire Valenciennes – Marseille, que tout le monde connaît. Il dit aussi qu'il y avait du dopage à Marseille, ce qui provoque un beau tollé. La plupart de ses anciens coéquipiers s'insurgent. Moi, dopé ? Vous n'y pensez pas. Non, on n'y pense pas M. Sauzée. C'est comme quand un footballeur met le ballon en touche, que des millions de téléspectateurs l'ont clairement vu, et qu'il demande bêtement à bénéficier de la remise en jeu. Personne ne ment, personne ne triche dans le foot. A part Eydelie… Pourtant, dans un livre paru il y a quatre ans, Desailly, oui le grand capitaine Marcel, celui qui voudrait remettre un pied au FC Nantes, racontait que d'étranges pilules circulaient à l'OM Et que certains les avalaient. Lui-même…


Jean-Jacques Eydelie a secoué le cocotier où ils se pavanent. A tort ou à raison, par besoin assurément, financier ou thérapeutique, les deux probablement. Alors, ils lui tombent dessus. C'est facile : il leur faut un coupable, il est là tout trouvé, dans la mouise, il faut l'enfoncer encore plus. Il y a eu de la corruption, des matches truqués, des adversaires empoisonnés et du dopage, d'accord. Mais eux ils n'y sont pour rien : c'est Eydelie le responsable. Eydelie qui parle. Eydelie qui ment.

On ne va pas prendre aveuglément la défense de Jean-Jacques Eydelie, nous savons bien qu'il était, comme a dit un jour Suaudeau, « un affabulateur-né. » Mais nous savons aussi, puisque la justice l'a prouvé, qu'il a acheté un match. Et qu'il a bien fallu que quelqu'un lui donne de l'argent. Et que les autres joueurs ne peuvent pas l'ignorer. Et nous savons, comme tout le monde, qu'on se dopait à l'Olympique de Marseille dans les années 1990. Ce n'était peu-être pas aussi spectaculaire que l'a décrit Eydelie, les joueurs ne se rangeaient peut-être pas en rang d'oignon pour recevoir chacun leur tour une piqûre dans une fesse, mais il y avait du dopage. Des pilules.

Les paroles volent, les écrits restent

Comment peut-on se montrer aussi affirmatif ? Tout simplement parce que des joueurs l'ont reconnu. Marcel Desailly est de ceux-là, il l'a même écrit. Il vient de vilipender Eydelie, d'assurer qu'il dit faux et de conclure : « il cherche à gagner de l'argent ». Sans doute. Mais Eydelie a au moins l'excuse de ne plus en avoir, de l'argent. Et il ne fait que répéter ce que Desailly a lui-même révélé, dans un livre paru en 2002, peu avant la Coupe du monde, une bonne période pour appâter le lecteur. Car on doute fort que « Captain Marcel » ait publié cet ouvrage dans un but totalement désintéressé. Comme Eydelie, il cherchait à gagner de l'argent, ce qui n'a rien de méprisable, même si pour sa part il en possède beaucoup.

Les paroles volent mais les écrits restent, c'est bien connu. Marcel Desailly, qui parle souvent beaucoup et qui se verrait bien revenir au FC Nantes, si on lui faisait un gros chèque en lui donnant peu de travail, semble l'ignorer. « Eydelie a écrit des conneries, il n'y a jamais eu de dopage à Marseille » vient-il d'affirmer. L'ennui est qu'on peut lire, dans son autobiographie, quelques passages édifiants sur le sujet. Il raconte par exemple une scène qui s'est déroulée avant un match Paris – Marseille, au Parc des Princes. Et voici ce que Desailly nous dit :

« CE MEDICAMENT PEUT ETRE CONSIDERE COMME UNE SUBSTANCE DOPANTE »

« Debout au milieu du vestiaire, Tapie sort une boîte de médicaments. Une boîte que le staff médical du club n'a encore jamais utilisée devant moi. Le nom m'échappe mais pas le sentiment de malaise ni les mots de Tapie. « Ce match-là, les gars, il faut le gagner ! ».  Il me tend la boîte. Je n'ai plus qu'à me servir, à avaler un cachet, et à faire tourner, mais j'hésite. Et si ce produit ? Et si c'était ? Je suis pétrifié, incapable de réagir. Seulement de tendre à mon tour la boîte à Didier Deschamps. Il la prend, la retourne et lit une mise en garde du genre : « ce médicament, au-dessus de certaines doses, peut être considéré, pour des sportifs de haut niveau, comme une substance dopante ». Didier ne se démonte pas. Il s'adresse au boss.

« Attendez, là, c'est quoi ce truc ?
- Prenez-en ! Faites-moi confiance.
- Mais vous avez vu ce qu'il y a marqué derrière ?
- Pas de problème, c'est une question de dosage. Donne-moi ça, si tu ne me crois pas.

« LE SENTIMENT D'ETRE MARSEILLAIS, DONC INVULNERABLE »

Le boss saisit la boîte, avale un cachet, puis un autre et une bonne gorgée d'eau minérale.

« Voilà, maintenant allez-y ! Oh, les gars, vous me connaissez, je ne vous ai jamais menti. Hein, est-ce que je vous ai déjà menti ? »

Son produit miracle est-il interdit ? Qu'il en ait avalé deux cachets out toute une tablette ne change évidemment rien à l'affaire : ce n'est pas lui qui subira peut-être un contrôle antidopage après le match ! N'empêche, il insiste :

« Allez, prenez ! »

J'ai pris. Un ou deux cachets, je ne sais plus. D'autres ont refusé. Pourquoi ai-je accepté ? Peut-être la confiance aveugle dans le service médical. Peut-être la trouille de dire non. Peut-être le sentiment d'être marseillais, donc invulnérable. Sans doute tout cela à la fois. Et je n'en suis pas fier. »

LE MATCH FUT TRES BRUTAL

La rencontre fut très chaude, brutale même. Di Meco s'y rendit coupable d'agressions caractérisées et l'OM gagna 1-0. Les Parisiens se firent accusateurs, ce qui, évidemment, surtout quand ça vient de leur part, ne constitue pas une preuve. « Ils ont joué comme des voyous » se plaignit Bernard Lama. Le comportement des joueurs marseillais a été inacceptable, » s'indigna Michel Denisot. Desailly écrit qu'il n'eut pas l'impression pour sa part d'être dans un état différent des autres matches, qu'il y eut un contrôle antidopage et qu'il fut négatif. Il ne précise pas toutefois si les joueurs qui y furent soumis comptaient parmi ceux qui avaient avalé les cachets. Bien sûr, il va nous dire aujourd'hui que ces pilules n'étaient peut-être pas dopantes. Peut-être. Et c'était sans doute des piqûres d'eau fraîche qu'on administrait dans les fesses des Marseillais ? Ah, ça, pardon : c'est Eydelie qui en parle…

« AUTANT LE RECONNAITRE, J'AI PRIS »

Revenons donc à Captain Marcel. Plus loin, toujours dans son livre, il raconte :
« Parfois, alors que nous sommes dans le car en route pour le stade, l'un des toubibs distribue des pilules. Sous l'œil de Tapie, il passe entre les rangées de sièges, ouvre sa boîte miracle, donne une pilule à un joueur, puis à un autre, et ainsi de suite jusqu'au fond du car. Dans le doute, certains refusent. D'autres non. C'est tout juste si le toubib ne nous met pas la pilule sur le bout de la langue ! Tapie regarde bien qui prend, qui ne prend pas. Une gorgée d'eau minérale suffit pour que cela descende plus vite.

Là encore, autant le reconnaître : j'ai pris. Deux ou trois fois, je ne sais plus, toujours en présence d'au moins un médecin. Même si j'avais l'impression stressante d'être un gosse contraint d'avaler, sous les yeux de sa maman, un antibiotique au goût amer, le fait qu'un professionnel de santé m'y encourage a emporté ma réticence. Aujourd'hui encore, à l'heure d'évoquer ces souvenirs marseillais, j'ignore quels étaient ces cachets. »

POURQUOI N'AVAIENT-ILS RIEN DIT ?

Voilà ce qu'écrivait Marcel Desailly il y a quatre ans. Et à l'époque nul ne s'en était ému. Ni Tapie, ni le Paris SG, ni les présidents de la Fédération et de la Ligue. Ces deux derniers viennent de demander à l'UEFA de prendre position à propos des déclarations de Jean-Jacques Eydelie. Sous prétexte que les deux joueurs marseillais contrôlés après la finale OM-Milan n'avaient pas été déclarés positifs. Pourquoi diable ces deux don Quichotte, pourfendeurs de moulins à vent, n'avaient-ils rien dit quand le livre de Desailly est paru ? Parce que c'est plus courageux, à leurs yeux, de s'attaquer à un homme à terre qu'au capitaine de l'équipe de France ?


B.V., le 25/01/06


Dossier Eydelie :

 

 


 

 
 
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