Patience pour qui ?

Pour l'instant, Le Dizet reste donc en place _ « il sera là à Valenciennes, pas de problèmes » a tenu à indiquer son président_ et Roussillon garde la main. A Paris, le vieux Serge, on parle de celui qui a 81 ans et la quatrième fortune de France, ne s'est en effet pas encore posé la question de savoir si au FC Nantes ce ne serait pas la direction et non l'entraîneur, qui est incompétent. Une âme charitable, dans son entourage immédiat, pourrait songer à le lui souffler…

Pour l'heure, après cinq matches, ce qui ne saurait être le moment de tirer des conclusions, Roussillon et ses recrues bidon ont en en tout cas davantage raté leur début de saison que Le Dizet et les joueurs de souche nantaise. « Patience, patience, » demande le président. Eh bien ! On espère que la vertu qu'il sollicite pour lui-même, et aussi pour Jean-Luc Gripond et Japhet N'Doram, il va l'accorder aux autres.

Dimitrijevic mieux que Saïdou

Quand on a vu, comme samedi, la différence qui sépare un Dimitrijevic, formé dans la volière des Canaris et promis, en son temps, par Guy Hillion, à devenir l'un des dépositaires du jeu nantais, et un Saïdou complètement transparent, on ne peut que s'interroger à propos des connaissances de ceux qui sont chargés de la politique du club. Quand on acquiert huit joueurs en huit mois, des seconds couteaux pour la plupart, on ne peut s'attendre qu'à endurer des difficultés. Nantes, c'est clair, s'est détourné spectaculairement de la philosophie à la nantaise, il se comporte comme Metz et Strasbourg et on voit où leurs errements répétés ont, logiquement, conduit ces deux clubs. Même des équipes comme Paris, Marseille ou Monaco, quand ils procèdent à autant de changements connaissent des problèmes. Et eux n'achètent pas forcément des produits de deuxième catégorie.

Le Dizet : « J'ai rarement vu Lille être autant bougé »

Mais revenons à notre match et donc à nos impressions mi-figue, mi-raisin. En fait, nous sommes devant la fameuse bouteille dont cinquante pour cent du contenu a été vidé. Est-elle déjà à moitié vide ou encore à moitié pleine ? Les joueurs et l'entraîneur nantais avaient tendance, à l'heure des commentaires, à pencher pour la seconde solution et donc l'optimisme. Ils venaient d'être tenus en échec à domicile mais ils s'appliquaient à retenir essentiellement leur réaction et leur égalisation. « En fin de rencontre, nous avons vraiment bougé nos adversaires, soulignait Le Dizet, je dirais même que j'ai rarement vu Lille vaciller de cette manière. »

C'est en partie vrai. De là à dire que Nantes méritait davantage qu'un point, il existe cependant un pas, le coach canari prenait d'ailleurs garde de ne pas le franchir. Considérer en effet que ce nul n'est pas, somme toute, des plus logiques serait oublier la médiocre première mi-temps de Nantes. Ce serait aussi gommer allègrement le fait que Lille aurait pu, quand tout tournait en sa faveur, mener par deux ou trois buts d'écart . On doute que le FCN aurait pu alors échapper au naufrage.

But rapide et évitable

Il faut dire aussi que, comme s'il avait voulu ajouter aux incertitudes qui le rongeaient, Nantes eut l'extrême mauvaise idée d'encaisser un but placé marqué par deux caractéristiques : il arriva rapidement, il était évitable.. Le coup de Trafalgar survint à la 11è minute. Lancé en profondeur par Keita, le talentueux Odemwingie, qui représenta sans cesse un danger constant malgré son isolement, parvint à rattraper le retard qu'il comptait au départ sur Guillon. Ce dernier avait misé sur une sortie de Stojkovic, elle ne vint pas. La mésentente entre les deux Nantais tourna à la catastrophe. Guillon, pris de vitesse, rata son tacle et ne put qu'écarter le ballon sur sa droite, Odemwingie s'en empara et d'une pichenette il mystifia le gardien serbe qui ne savait plus trop où il en était.

La suite fut un cauchemar. Menés à la marque, paralysés, empruntés, les Canaris rataient tout ce qu'ils esquissaient et le public les accabla un peu plus en les abreuvant de sifflets. Ce n'était pas spécialement le bon moment et Odemwingie, que personne ne parvenait à arrêter, hérita d'un ballon de deuxième but à la barbe de Savinaud et de Cubilier. Sa reprise du gauche fila à côté de la cage.

Des sifflets et des cris hostiles

« Mouillez le maillot ! » scandait une partie du public comme s'il suffisait de remplir cette condition pour bien jouer au football. Le résultat était que les Nantais perdaient le ballon ou cherchaient des solutions individuelles dans lesquelles ils s'enferraient et se fourvoyaient un peu plus.

Ils étaient vraiment dans la panade, même si durant les ultimes minutes de cette première mi-temps ils relevèrent un peu la tête. Da Rocha décocha un shoot au-dessus puis surtout Dimitri Payet, déjà lui, se joua de Chalmé et adressa un centre que ni Da Rocha ni Oliech ne parvinrent à reprendre. Rossi finit par hériter du ballon mais son tir fut contré (41è).

Faé sauve le coup sur la ligne

Il y avait donc un léger mieux. Presque de l'espoir. Serge Le Dizet s'évertua à souffler sur les braises de ce dernier durant la pause. « Je leur ai dit qu'ils n'avaient plus rien à perdre et que la solution ne pouvait être que collective, » raconte-t-il. Pourtant, peu après la reprise, Lille eut une nouvelle occasion de « tuer » le match. Sur un corner, Schmitz, surgit au deuxième poteau et décocha une reprise de la tête qui faillit être décisive. Stojkovic était à la pêche, par chance Faé, posté sur sa ligne, repoussa le projectile (49è). Il y avait encore de la vie.

Le mystère Saidou

Dans la foulée, Le Dizet décida enfin de remplacer Saïdou par Dimitrijevic (51è), Odemwingie gaspilla un nouveau ballon de break (53è) et les Canaris reprirent des couleurs. Saïdou, qui avait déjà raté son match face à Troyes, est donc lui aussi en passe de devenir un mystère. Etait-il fatigué ? Ces deux mauvaises prestations constituent-elles des « accidents » ? N'est-il pas encore acclimaté ? Se soucie-t-il vraiment du sort de son nouveau club ? Est-il surfait car il se peut qu'on ait oublié qu'il n'a jamais évolué dans un championnat de niveau relevé ? Espérons que la bonne case, celle à cocher, ne correspond pas à l'une des deux dernières propositions.

Le culot de Payet

Nantes échappa encore à une alerte provoquée par Keita (62è) mais déjà le match n'était plus le même. Les Canaris tentaient des actions de mieux en mieux ficelées, leurs passes étaient devenues judicieuses et non hasardeuses et Dimitri Payet faisait preuve d'un joli culot. Il n'en fut pas payé quand il tenta une volée sur un service d'Oliech (65è). Il ne douta pas pour si peu. Trois minutes plus tard, suite à une montée de Guillon et une subtile déviation de Rossi, il se retrouva en position du ballon à 25 mètres de la cage lilloise. La distance ne l'effraya pas : il décocha un tir-fusée que Sylva ne put qu'effleurer du bout des gants.

Nantes avait égalisé. Il avait même fait mieux que revenir dans la partie puisqu'il se permit par la suite de mettre à la peine une équipe réputée pourtant par sa solidité. Oliech, toujours aussi peu orthoxe mais très batailleur, s'extirpa de la nasse de plusieurs défenseurs pour servir Payet qui ne fit ni une ni deux et tenta sa chance de nouveau. Au-dessus (76è).

Encore une défense new look

Du côté des aspects positifs de cette fin de partie, on nota aussi le bon retour de Norbert, au poste d'arrière droit d'abord, à la place de Cubilier, puis sur le côté gauche de la défense lorsque Signorino fut à son tour terrassé par la fatigue. Da Rocha descendit d'un cran, tandis que Wilhelmsson effectuait sa rentrée. La ligne défensive nantaise était donc composée par Da Rocha, Savinaud, Guillon et Norbert. L'insolite était de nouveau au rendez-vous mais Da Roche montra qu'il possède peut-être, comme Landreau le lui prédisait naguère, un avenir à ce poste. Il ne se fit en tout cas pas surprendre, il signa même une intervention décisive dans une fin de match où les deux équipes jouaient sur le fil du rasoir. Nantes restait le plus entreprenant, il eut put forcer la décision (Oliech à la 86è minute, Rossi à la 87è), chaque contre lillois constituait toutefois un vrai danger. Si bien que le match nul parut finalement empreint de justice.

Les Canaris ont considéré ce résultat, pas très payant pourtant dans l'immédiat, comme un véritable soulagement. Presque une victoire. Il leur reste le plus difficile : faire fructifier ce point précieux, et on sait qu'ils ne disposent pas forcément, leur entraîneur surtout, de beaucoup de temps. Rudi Roussillon et les responsables d'un recrutement dont chaque match confirme les aléas demeurent sans doute très impatients et, surtout, toujours aussi désireux de repousser le poids de leurs responsabilités sur d'autres épaules. Si la direction n'est pas bonne, ne le dites pas à Dassault !.

B.V, le 10 septembre 2006.