Par Litteulced,
J’ai fait un rêve : une fois le maintien
assuré, la direction du FC Nantes décidait
de ne plus s’accrocher à la tête du club
et reconnaissait son échec sportif et identitaire.
Elle laissait les clefs de la maison jaune à un repreneur
dont on savait peu de choses, si ce n’est qu’il
avait déjà démontré sa sensibilité
à la culture canari et ne débarquait pas en
matamore prêt à tout pour faire du FC Nantes
un sous-Manchester à la française. La première
action symbolique du nouveau dirigeant était de redonner
le pouvoir sportif à ceux dont c’est le travail
et la passion. On ne savait pas encore exactement sous quelle
forme mais Le Dizet, Denoueix, Amisse et Hillion étaient
bel et bien de ce nouveau voyage qui devait permettre aux
Canaris de mettre le cap vers cette terre maintes fois promise
du Jeu. Ce Jeu que l’on n’osait plus espérer,
qui tenait lieu de chimère et n’existait plus
que dans le souvenir embué de quelques dizaines de
milliers de supporters nostalgiques… Le pouvoir redonné
au Sportif, cela voulait dire avant tout qu’il redevenait
possible de se projeter dans le futur avec optimisme, rien
de mauvais ne pouvant arriver à un club qui a toujours
démontré qu’il pouvait faire rêver
plus que tout autre si on lui laissait seulement le temps
d’aller jusqu’au bout de ses idées.
J’ai fait un rêve : rassuré sur les ambitions
nantaises, Jérémy devenait le fer de lance
de la nouvelle génération canari. Plus besoin
de lorgner sur des clubs plus ambitieux, l'appétit
du Jeu et l’amour du maillot étant amplement
suffisants pour convaincre un Jérémy qui n’attendait
que ça. Tout comme Japhet N’Doram avait été
le symbole d’une génération aimant et
pratiquant le jeu jusqu’à vous en donner le
tournis, Jérémy représentait à
merveille le retour à des valeurs communes à
tout un peuple. L’international Espoir chef de file
de cette équipe, c’était alors tous
les amoureux du football nantais qui se réconciliaient
enfin avec son équipe et, surtout, sa direction.
Encouragé par ce signe fort, c’était
le Club tout entier qui se remettait dans le sens de la
marche, des poussins aux professionnels, chacun adhérant
d’autant plus facilement au projet qu’il en
avait été sevré depuis de trop longues
années.
J’ai fait un rêve : oui, j’ai bien vu
Suaudeau revenir prendre place dans les tribunes de la Beaujoire,
ce n’est pas possible ça ne peut pas être
un rêve. Lui qui ne souhaitait pas y remettre les
pieds, "ne se sentant pas l’âme d’un
supporter", ne pouvait s’empêcher d’aller
humer le parfum si particulier des soirs de grand match
à la Beaujoire. Ce ballet sur le terrain, ces déplacements
de joueurs se tournant indéfiniment les uns autour
des autres, ce ballon qui ne s’arrêtait jamais
de tourner, ce spectacle d’acteurs sûrs de leur
force et de leur jeu, il n’a pu se retenir de venir
le goûter, le dévorer de ses yeux d’expert.
Quoi qu’il en dise, quelle que soit la lassitude qu’il
a pu exprimer lorsqu’on l’interrogeait, je reconnais
bien cette lueur au fond des yeux, c’est celle du
Maître fier de ses élèves.
Et puis, juste avant de me réveiller, encore dans
les limbes cotonneuses du sommeil, j’ai rêvé
que le FC Nantes remerciait avec sincérité
ses plus fidèles serviteurs. J’ai rêvé
que Budzinsky s’en allait avec les égards qui
lui étaient dus, lui le vieux routier qui a tant
donné pour son club. J’ai rêvé
qu’on lui disait Merci pour tout, tu as fait de belles
erreurs mais tu as toujours œuvré pour le bien
du club, du moins le voulais-tu. Pas très loin de
lui, j’apercevais Reynald le taiseux, viré
comme un malpropre après tant d’années
de bons et loyaux services, jeté l’année
même où il fit cadeau à ses dirigeants
aveugles d’un huitième titre de champion de
France… Je le voyais, lui qui pour toute déclaration
après son limogeage s’était contenté
de dire qu’il ne pouvait plus regarder son club à
la télé parce que ça lui faisait trop
mal, et je ne pouvais m’empêcher de penser que,
par la faute de quelque dirigeant incompétent et
borné, on en avait gaspillé du temps du côté
de la Jonelière. Du temps, des hommes et des idées.
J’ai fait un rêve : j’ai rêvé
que mon rêve n’en était pas un.
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